67 000 signatures, c'est le score impressionnant de la pétition en ligne lancée par Jean-Denis et Mélodie, le couple de maraîchers qui cultivent en bio dans la zone agricole des Tuilières.
Son intitulé : Pour le droit des maraîchers BIO de vivre sur leur terre dans des habitats réversibles, respectueux de l’environnement. A lire ici.
Une page Facebook a été créée par le "Collectif de soutien des maraîchers des Pilles" à trouver ici.
Et une vidéo a été réalisée sur le sujet par le documentariste Christian Girier, "La Yourte de la discorde", à voir ici.
Sollicités pour diffuser ces informations, nous avons également demandé au maire des Pilles de s'exprimer pour que nos lecteurs puissent avoir accès à l'ensemble du débat.
En bref, Jean-Denis Lods et Mélodie Halter, 34 ans, s'installent aux Pilles en 2020 pour reprendre une exploitation agricole de maraîchage bio ("La Huerta bonheur") et la nomment "La Barrouette Paysanne". Ils ne trouvent pour loger qu'une location très humide en marge du village, dont le propriétaire ne renouvelle pas le bail.
Devant cette situation, ils installent sans autorisation une Héliyourte sur leurs terres pour en faciliter l'exploitation en permaculture, éviter les vols et prévenir "l'action des nuisibles" par la présence de leurs chiens et chats.
Ils accusent la mairie de les avoir dénoncés aux autorités compétentes, et sont maintenant confrontés à des procédures judiciaires pouvant mener au démontage de la yourte. Ils en appellent à la solidarité pour faire pression et changer la réglementation qui n'accorde de dérogations qu'aux éleveurs.
Il convient de rappeler que la zone des Tuilières (30 ha de terres d'alluvions en bord de rivière pour lesquels un système d'irrigation par tuyaux sous pression a été récemment développé en remplacement des canaux historiques trop consommateurs d'eau) est gérée par une association syndicale agricole (ASA) créée en 1790, dont Jean-Denis est maintenant le président. Elle est réservée à l'exploitation agricole en de nombreuses parcelles.
En septembre 2015, à la demande de la Huerta bonheur, le conseil municipal des Pilles avait pris une délibération (2015/39 du 03/09/2015) pour demander à la SAFER d'y empêcher la vente d'une parcelle en terrain de loisir (trois fois plus cher que le terrain agricole, pour y mettre une caravane). Les maraîchers et la mairie en avaient partagé le coût. Cela avait calmé la tendance à la transformation de terrains en parcelles destinées à l'habitat léger.
Il est à noter également que, sur sollicitation de la mairie des Pilles, la Communauté de communes gère dans la zone des Tuilières des espaces tests agricoles destinés à faciliter l'installation de jeunes agriculteurs.
Sollicité par nos soins, le maire de la commune nous a répondu par le texte ci-après :
"Communiqué écrit à la demande d'Ensemble Ici :
Jean-Denis Lods et Mélodie Halter revendiquent le droit à habiter sur leur exploitation maraichère.
Pour cela, ils ont installé une yourte à usage d’habitation sans demander d’autorisation d’urbanisme.
Leur argumentaire principal est que leur activité nécessite une présence quotidienne au plus près de leur exploitation et ils souhaitent obtenir une dérogation à une règle d’urbanisme qui interdit toute construction à usage d’habitation sur des terres agricoles, exception faite de quelques activités telles que celles de certains éleveurs. Ces arguments sont sans doute entendables et une décision de justice pourrait faire jurisprudence et faire évoluer cette réglementation.
Rappelons toutefois que son objectif est de préserver le caractère agricole de terres qui, par leur attrait, sont convoitées pour des activités de loisirs ou d’habitation, participant ainsi à une spéculation foncière néfaste à l’installation de nouveaux agriculteurs.
Mais le problème n'est pas là. En effet, Jean-Denis Lods et Mélodie Halter laissent de côté le facteur essentiel de blocage qui est que la zone des Tuilières où ils sont installés a été classée en zone inondable lors d’une étude hydraulique réalisée par SOGREAH en 1994, soit 2 ans après la crue de 1992 qui avait causé une quarantaine de morts à Vaison-la-Romaine et vu le niveau de l’Eygues monter de plus de 7 mètres en l’espace de 2 heures au niveau du pont des Pilles situé à à peine plus d’un km en aval de la zone des Tuilières.
En tant que membre du conseil municipal, Jean-Denis était parfaitement informé de cette situation et des conséquences qui en découleraient.
Dans l’attente d’une décision judiciaire prévue en septembre prochain, compte-tenu de ce risque, en tant que maire responsable de la sécurité des personnes et des biens, je n’ai pas d’autre alternative que d’approuver la position des services de l’État s’opposant à toute installation à usage d’habitation sur une zone inondable.
Philippe Ledésert, Maire des Pilles"
Droit de réponse :
Nous vous écrivons pour exercer notre droit de réponse à l’article paru sur notre situation afin de corriger certaines informations erronées et d’apporter celles manquantes.
Nous tenons à préciser que nous n'accusons pas la mairie des Pilles de quoi que ce soit, et ne faisons que contester la légalité et l'opportunité d'une décision administrative. Nous ne nous considérons donc absolument pas victimes de la mairie comme le sous-entend votre titre.
La loi permet de construire sur une terre agricole lorsque cela est nécessaire à l'exploitation (L111-4 du code urbanisme). Nous considérons que notre présence est nécessaire à notre exploitation, et le choix de l'habitat léger est justement une garantie contre l'artificialisation du sol. Cela n'a rien à voir avec la transformation d'une parcelle agricole en terrain de loisir, comme cela était le cas en 2015. Encore récemment en 2022 je me suis moi même engagé en tant que président de l'ASA aux cotés de la communauté de commune et de la mairie pour éviter la transformation d'une autre parcelle agricole en terrain de loisir.
S'agissant de l'inondabilité, il convient de rappeler que l’étude cité par Mr. le Maire concerne la partie aval de Nyons et non les tuilières, qu'aucun plan de prévention des risques n'a été établi sur la commune des Pilles et que la jurisprudence considère que dans ce cas, l'inondabilité du terrain n'est pas avéré (conseil d’État, 10 août 2005, n°260685),. Le terrain nous a d'ailleurs été vendu comme non inondable.
Nous faisons confiance à votre intégrité pour informer vos lecteur de notre réponse.
Bien cordialement
Jean-Denis Lods et Mélodie Halter.
La Barrouette Paysanne
Agriculture Biologique
ZA Les Tuilières 26110 Les Pilles
Document : étude hydraulique réalisée par SOGREAH en 1994 :
1) directives de la DDE
https://ensembleici.fr/storage/uploads/upload_files/1/prise-en-compte-risques-innondation.pdf
2) plan des inondations
https://ensembleici.fr/storage/uploads/upload_files/1/etude-eau-eygues-1996.pdf
(débit crue 1992 : 850 m3/s sur l'Eygues, 1200 m3/s sur l'Ouvèze)
Publications :
L'Eygues, folle et tranquille (2014)
https://www.baronnies-provencales.fr/publication/leygues-folle-et-tranquille/
Plans de prévention des risques naturels – inondation, Commune de Nyons (2011)
https://www.nyons.com/application/files/6916/5545/1024/PPRI_rapport.pdf