Funambulisme et musique
Jérome d'Orso des Artsfelus danse sur un câble suspendu au dessus de l'exosquelette, accompagné de la musique (et chant) inspirée de Viviane et Fanch. Un texte poétique est dit par ces derniers évoquant la gravité, le ciel est la terre et bien plus encore.
Un trait dans le ciel.
« La beauté sauvera-t-elle le monde ?» questionnait le prince Mychkine, l’Idiot désarmé cher à Dostoievsky. En fait, le monde serait trop souffrant, trop malmené pour cela. Mais il arrive parfois que cette beauté jaillisse du monde lui-même. Pour un court instant, emmener. Plus loin, plus haut. « Alors que le ciel aujourd’hui te cueille »
Le funambule hésite. S’aventurer, seul, sur cet étroit fil noir tendu sur le vide ? Le faut-il ? Vraiment ?
Ces visages levés vers lui l’attendent. Ces regards le portent. Qu’il ne tombe pas. « Ce dialogue avec la gravité. C’est de l‘amour ? Avec la terre le jeu. C’est de l’amour ? ».
Et la musique en douceur, avancée lente, dangereusement, bras en croix sur un restant de ciel bleu.
C’est si fragile un homme !
Et si résolu parfois. Le voici, il s’engage, glisse, aérien, défie les oiseaux en métal, étincelant sous un dernier rai de soleil et leur ventre saturé d’êtres pressés de consommer leur mince ration de bonheur, ailleurs, toujours. Plus loin, toujours. Coûteux, toujours.
Voici que le fragile acrobate épouse l’azur étourdi de lumière. Prêt à l’envol. Va-t-il sous nos yeux disparaître ? Non, la musique est là, la musique traverse l’air immobile, les accords d’un violon, envolée, elle monte, s’élève. Haut. Plus haut.
Chorégraphie. Calligraphie d’une présence exposée, équilibre sur une transparence bleu laiteux. Un chant gravit les degrés du ciel clair, lancé, comme ça. Il tutoie les premières étoiles, frôle l’homme solitaire, là-haut, qui danse. Sur l’étroit fil noir, l’acrobate. Il danse son bonheur d’être là, perché, avec le ciel galvanisé d’un restant de clarté et les oiseaux soudain muets pour mieux écouter.
Escalader les nuages, franchir d’invisibles frontières par la grâce de l’instant. S’élever, danser. Encore.
Parfois, même au cœur de l’été, il fait si gris dehors. Si gris. Demeure pourtant quelque chose à donner. À recevoir. Dans un monde perdant sa mesure, trop oublieux de la très simple humanité.